Devenir photographe de concert : 9 compétences à maîtriser

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Tout le monde peut devenir photographe de concert. L’exercice est néanmoins exigeant, et il nécessite un certain nombre de compétences. Des compétences techniques, bien entendu, car le manque de lumière est un problème épineux. Mais aussi des qualités humaines affirmées, entre goût du challenge, tolérance à l’incertitude, faculté à garder son sang-froid et capacité à faire des compromis.


Créer un réseau pour devenir photographe de concert
Adèle Castillon (Vidéoclub) @Le Chabada – 2021

1- Se faire connaître auprès des professionnels du spectacle : la clé pour devenir photographe de concert

Tout photographe, même amateur, peut devenir photographe de concert. Pour y parvenir, il te faudra franchir deux étapes : 1-assurer une première date ; 2-prouver la qualité de ton travail.

Franchir la première étape est assez simple. Les organisateurs de petits festivals ou de tremplins locaux seront ravis d’accueillir le bénévole (s’ils n’en ont pas déjà un) qui leur permettra d’alimenter leurs réseaux sociaux. Fais le recensement des petits événements de ta région et prospecte gentiment. Ne promets pas la lune, sois sûr de toi, et le résultat devrait venir assez vite.

Franchir la deuxième étape est un poil plus compliqué. Car elle nécessite d’avoir le talent suffisant pour, au fil de tes premières piges, tirer de quoi convaincre. A ce stade-là, le principe de réalité reprend ses aises. Tu dois être en mesure de te constituer un portfolio intéressant, à la fois varié quant aux styles des artistes photographiés et cohérent quant à la patte artistique qui s’en dégage (cf point 7-). Bien ficelée, cette carte de visite doit t’ouvrir les portes des SMAC (scènes de musiques actuelles) ou des festivals intermédiaires de ta région.


Stéphane Mouton | Photographe de concert à Angers
Oracle Sisters @Le Chabada – 2019

2- Se faire discret le jour du concert

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le photographe n’arrive pas en odeur de sainteté le jour du concert. En réalité, il est une gêne pour pas mal de monde. Pour la sécurité, d’abord, à cause de sa tendance à vouloir se faufiler là où il n’en a pas le droit. Et pour les spectateurs, aussi, à cause de son sac, de son téléobjectif et de sa tendance à vouloir squatter les bons spots. Rien à voir, donc, avec cette admiration mêlée de respect que le photographe croit (espère ?) susciter auprès du public.

Le jour du concert, tu dois donc rester discret et limiter au maximum tes déplacements. Dans le crash, la question ne se pose pas. Mais dans la fosse, au milieu des spectateurs, tu dois prendre le parti d’explorer deux ou trois spots au maximum et de t’assurer que tu ne gênes personne au moment de la prise de vues. Et si tu n’as pas d’autre choix que de te mettre devant un spectateur, un petit signe de la main permettra de faire comprendre à ce dernier que tu l’as vu et que tu mets tout en œuvre pour lui rendre son confort dans les meilleurs délais.

Personnellement, j’aime me situer derrière le public, pour ne gêner personne et parce que cela m’offre la possibilité de plans sympas. Cela implique de m’équiper avec un téléobjectif et, si nécessaire, avec un petit marchepied pliable.

3- Respecter les conditions des productions et des artistes

Les artistes les plus populaires (et leurs productions) sont très souvent enclins à ne laisser une marge de manœuvre qu’extrêmement réduite aux photographes. En général, ils n’autorisent ces derniers à œuvrer que sur les trois premiers titres seulement, quand personne n’est encore vraiment chaud : ni l’artiste, ni le public, ni les photographes eux-mêmes.

La consigne est frustrante mais il faut la respecter scrupuleusement. Artistes et productions connaissent leurs plans de feux par cœur et toute image captée hors des sentiers balisés serait immédiatement détectée. Avec ce que cela comporte pour le photographe de risque de ne plus être contacté par les responsables du lieu (qui se seraient eux-mêmes fait taper sur les doigts par la production de l’artiste).

J’ai parfois eu la chance d’être autorisé à couvrir l’intégralité des concerts d’artistes très connus (Archive, Morcheeba…). A l’inverse, il m’est arrivé d’être déçu par certains artistes, moins décontractés qu’il n’y paraît à l’idée de lâcher prise sur leur image.
Quoi qu’il en soit, je te conseille de ne pas hésiter à couvrir des concerts d’artistes moins (voire pas du tout) connus. En plus de pouvoir profiter de l’intégralité du set, tu pourras faire de belles découvertes musicales.

Stéphane Mouton | Photographe de concert à Angers
No one is innocent @Renk’Art – 2018

4- Accepter le compromis technique et garder son sang froid le jour du concert

La couverture d’un concert impose de composer, sans flash, avec trois éléments perturbateurs : le manque de lumière, la mobilité des artistes et la très grande instabilité des plans de feux.
De ce fait, en concert plus qu’ailleurs, la photographie parfaite n’existe pas. Il est même hautement probable que la plupart de tes clichés présenteront l’un ou l’autre des défauts suivants : un peu de flou, du grain, une sous-exposition, une erreur de mise au point, un cadrage approximatif. Mais avec l’expérience, tu sauras tirer ton épingle du jeu.

Se donner une marge de manœuvre sur le choix des paramètres de prise de vue…

Dans ces conditions de lumière difficiles, le choix des paramètres du triangle de l’exposition est forcément un casse-tête :

– Augmenter la vitesse d’obturation implique de choisir une ouverture plus grande (entraînant une trop grande réduction de la profondeur de champ)
– Refermer un peu le diaphragme implique de réduire la vitesse (provoquant l’apparition du flou de bougé)
– Et, dans tous les cas, monter en ISO implique l’apparition du bruit numérique disgracieux

Ainsi, pour devenir photographe de concert, il va te falloir faire des compromis, accepter l’imperfection. Un axe de travail réside néanmoins dans le fait d’apprivoiser ton corps, et notamment ton rythme cardiaque, de manière à pouvoir shooter naturellement à vitesse plus réduite que la moyenne. Il sera ainsi possible de te donner un peu de marge de manœuvre sur ce triangle de l’exposition. Moi-même, je suis capable de shooter sans flou aux alentours d’1/10ème de seconde à 17mm et d’1/90ème à 200mm. Avec cela, je suis en mesure de shooter à une ouverture comprise entre f/2.8 et f/4, sans jamais dépasser ISO1600.

… et attendre calmement le bon moment

Vérifier ses images en cours de session peut donner des sueurs froides au débutant, qui peut avoir le sentiment de n’avoir rien obtenu d’intéressant jusque-là. Avec, derrière, la tentation de shooter en rafale sans réflexion artistique, histoire d’assurer le coup.

Par expérience, je peux pourtant affirmer qu’une fenêtre de tir favorable arrive fatalement : un plan de feux plus généreux, un artiste moins sautillant… Il est impératif de garder la tête froide pour être prêt à saisir l’occasion, qui ne dure parfois que quelques secondes.

D’une manière générale, je ne suis pas d’accord avec les photographes qui conseillent de shooter non-stop sur un concert. Parce que le travail de dérushage pourra ensuite devenir insurmontable. Et, surtout, parce qu’alors, toute réflexion artistique est mise de côté. Or, selon moi, il s’agit bien là de la base du métier de photographe. Je ne shoote moi-même qu’à des moments choisis : plans de feux esthétiques, manifestation d’une émotion par l’artiste, particulière agitation du public… La condition est que je me tienne toujours prêt à intervenir.

Stéphane Mouton | Rédacteur web SEO et photographe d'illustration à Angers
Thylacine @Le Chabada – 2020

5- Disposer d’un matériel de photographie de qualité et adapté

Le boîtier

Il est de coutume de dire que ce n’est pas le matériel qui fait le photographe. Pourtant, sur un concert dans l’obscurité, un boîtier bien conçu te fera gagner en rapidité et en fluidité d’exécution.
Ma vie de photographe de concert a changé le jour où j’ai acquis mon Nikon D500. Notamment en matière de gestion de la sensibilité ISO (automatique/plafonnée et accessible depuis le boîtier), de vitesse de rafale, d’accroche sur la mise au point et d’ergonomie générale. Toutes ces optimisations, mises bout-à-bout, m’ont permis de réduire significativement mon temps de réaction. Et elles m’ont permis de davantage me concentrer sur l’essentiel : la scène et la composition de mes images.

Les objectifs

Il est également important de se doter d’objectifs adaptés.
La focale est évidemment primordiale. Si tu es cantonné dans le crash, au pied de la scène, un grand angle sera indispensable. Si, au contraire, tu es dans le public ou au fond de la salle, un téléobjectif sera nécessaire.
Mais le plus important est selon moi de pouvoir disposer d’objectifs à ouverture constante à f/2.8. Les objectifs du type fermeture variable f/3.5-f/5.6 te mettront en difficulté rapidement en t’obligeant, sur les focales les plus longues, à réduire la vitesse d’obturation ou augmenter la sensibilité ISO plus que de raison.

Pour ma part, je suis équipé avec un boîtier APS-C Nikon D500 (j’aime le gain de zoom qu’offre l’APS-C) et deux objectifs Tamron : 17-50mm f/2.8 et 70-200mm f/2.8.


Stéphane Mouton | Photographe de concert à Angers
Hyphen Hyphen @Le Chabada – 2018

6- Maîtriser un logiciel de traitement photographique et un autre de retouche d’image

Disons-le tout net : les images dites « brut de boîtier » ne sont pas et ne seront jamais présentables telles quelles. Un photographe de concert digne de ce nom devra consacrer du temps après le spectacle à travailler ses images, qu’il aura évidemment pris soin de créer en RAW depuis son boîtier (extension .CR2 chez Canon et .NEF chez Nikon). Au programme : modification des contrastes, de la saturation, de la netteté…
Pour réaliser ces tâches de post-production, deux solutions open source s’offrent au photographe malin : Rawtherapee (celle que j’utilise) et Darktable. Toutes deux rivalisent sans souci avec Lightroom, la solution payante d’Adobe. Connaître (à défaut de maîtriser, étant donné la richesse de ces logiciels) un de ces trois outils est aujourd’hui indispensable.

Ces trois logiciels n’ont pas vocation à permettre la retouche d’image, au sens le plus communément admis. Pour modifier, effacer ou ajouter des éléments à l’image, il te faudra passer par le célébrissime – et très cher – Photoshop d’Adobe ou par son grand rival open source : The GIMP (que j’utilise).
Cette étape de retouche est très rare. Mais il peut être utile d’en passer par là en cas d’élément disgracieux présent sur l’image : un extincteur rouge vif, un pied de micro mal placé…


7- Trouver son style photographique et l’assumer

Vaste question que celle du style. Les romantiques diront qu’ils ont trouvé le leur après moult expérimentations et envolées créatives. Les pragmatiques diront que ce sont les contraintes techniques (placement dans la salle, matériel, niveau de connaissance du logiciel de traitement…) qui leur ont imposé leur style. La vérité est peut-être un peu entre les deux.

A toi qui veux devenir photographe de concert, je recommande de rapidement déterminer ta manière de faire et d’essayer de t’en écarter le moins possible. Il est des tas de façons possibles de faire de la photographie de concert :
– au grand angle ou au téléobjectif
– en noir et blanc ou en couleur
– en portraits solo ou en vues d’ensemble
– avec le public ou sans
– en incorporant les jeux de lumière ou pas
– en durcissant ou en adoucissant les contrastes
– …

Il n’est pas ici question de t’encourager à développer une triste routine. Mais le fait de rester cohérent dans ta manière de créer des images aura bel et bien un certain nombre de vertus :
– t’aider à développer des habitudes de travail qui te feront gagner un temps précieux
– permettre aux responsables de lieux d’identifier rapidement ce que tu peux leur apporter
– t’aider à créer une identité sur les réseaux sociaux

Stéphane Mouton | Photographe de concert à Angers
Oscar les vacances @Tournée des Inouïs – 2022

8- Accepter de devenir photographe de concert sans forcément en vivre

La photographie de concert attire à elle beaucoup de photographes amateurs, qui consentiront sans souci à travailler bénévolement. Il est ainsi inutile d’espérer obtenir un quelconque cachet en festivals ou dans les SMAC.

Le salut peut venir de trois manières :
– Démarcher un artiste émergent et ambitieux et lui proposer une collaboration durable et rémunérée
– Se faire recommander auprès de l’organisateur d’un événement ponctuel d’envergure en quête de photographes professionnels fiables et, donc, rémunérés.
Vendre ses clichés ou les exposer dans le cadre d’expositions défrayées

Dans tous les cas, il te faudra avoir largement fait tes preuves et être inscrit dans un réseau efficace. Et, quoi qu’il en soit, il sera pratiquement impossible de ne vivre que de cela.


Stéphane MOUTON | Photographe de concert
Morcheeba @Le Chabada – 2022

9- Kiffer, kiffer et kiffer encore

En tant que photographe, le concert est probablement mon terrain d’intervention favori. Parce qu’il est intimement lié à l’incertitude. Rien ne me garantit jamais que je vais rentrer chez moi avec de belles images sur ma carte SD. Et j’aime ça.

A mon sens, la photographie de concert est un jeu. Le photographe qui ne la considère que comme une tâche notée sur son agenda ne s’y épanouira pas. Et cela se verra sur ses images. Pour devenir photographe de concert, il faut aimer le jeu, le challenge technique et, forcément, la musique et les musiciens.

2 Responses

  1. Merci pour cet article instructif et complet. J’ai pensé à devenir photographe de musique, mais j’ai abandonné pour deux raisons : comme vous le dîtes, on ne peut pas en vivre, et à l’époque (1978) il n’y avait pas assez de musiciens qui m’intéressaient en France, il aurait fallu que je m’expatrie. Vous pouvez voir quelques-unes de mes photos sur mon site.

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